Faux avis sur Internet : comment relever le défi de la confiance ?
Publié le : 27 avril 2021
Bien souvent, les professionnels de l’hôtellerie, de la restauration, du commerce de détail et même de la santé protestent avec véhémence contre la virulence, l'injustice et, souvent, la fausseté des commentaires négatifs dont ils peuvent être victimes. En effet, il n’y a aujourd’hui aucun moyen simple, universel et infaillible de vérifier que ces appréciations émanent de véritables clients ayant réellement consommé le service ou acheté le produit, et non d'une tentative délibérée de nuire via des faux avis sur internet.
L'existence de ces faux avis – qu'ils soient négatifs, postés par des concurrents malveillants, ou positifs, achetés par l'entreprise elle-même pour doper artificiellement sa note – soulève une question fondamentale de l'ère numérique : celle de la confiance. Des plateformes devenues incontournables, à l'instar de TripAdvisor® ou Google Reviews, ont bâti leur modèle sur la participation citoyenne, mais se retrouvent aujourd'hui au cœur d'une crise de crédibilité. Le consommateur, qui se fiait autrefois à la bouche-à-oreille, se tourne désormais vers l'écran, mais doit faire face à une jungle d'informations dont l'authenticité est de plus en plus difficile à discerner. La multiplication des faux avis mine la crédibilité de tout l'écosystème numérique, fragilisant les petites entreprises honnêtes et manipulant les décisions d'achat. L'enjeu n'est plus seulement réputationnel, il est profondément économique et éthique.
L'impact socio-économique des faux avis sur Internet
L'impact des faux avis sur internet va bien au-delà de la simple vexation du gérant d'hôtel ou de restaurant. Il s'agit d'un phénomène de fraude à grande échelle qui perturbe les mécanismes naturels du marché.
L'essor du Web 2.0 et le dilemme de l'authenticité des contributions
Dès le milieu des années 2000, le concept de Web 2.0 a marqué un tournant. C'était l'ère de la contribution de masse, où l'individu pouvait enfin s'exprimer sur des blogs, des forums et, surtout, des plateformes d'avis. Ce fut une véritable révolution démocratique du contenu. Vingt ans après, des millions de personnes partagent des avis et des retours d'expérience, formant un capital d'information colossal. Des entreprises comme Amazon, Booking ou Google ont vu la valeur de leur modèle économique exploser grâce à cette vitalité contributive.
Toutefois, dans cette ruée vers la contribution, un élément fondamental a été négligé par la majorité des plateformes : la vérification de l'identité et de l'intégrité des contributeurs. Le modèle de l'anonymat ou de la simple pseudonymisation, conçu pour encourager la liberté d'expression, est devenu la porte ouverte à la fraude et à la publication de faux avis. Ce manque de contrôle a créé une économie parallèle de "fermes à clics" et de rédacteurs professionnels de faux avis, souvent basés à l'étranger, monnayant leurs services pour manipuler les notes.
Le coût réel de la manipulation de la réputation
La question de l’authenticité des avis des consommateurs est un enjeu absolument majeur, car les conséquences économiques sont directes et mesurables. Pour une PME, un mauvais avis, même faux, peut entraîner une perte de chiffre d'affaires allant de 10 % à 20 %. Inversement, une série de faux avis positifs peut masquer des produits de mauvaise qualité, induisant le consommateur en erreur et entraînant, à terme, une défiance généralisée envers la plateforme elle-même.
Les études montrent que plus de 80 % des consommateurs consultent les avis en ligne avant de prendre une décision d'achat ou de réservation. Si ces avis sont truqués, c'est l'ensemble du processus de décision qui est vicié. La manipulation de la réputation est une concurrence déloyale qui pénalise les acteurs honnêtes et récompense la fraude.
Encadrement légal et normalisation des avis en ligne
Face à l'ampleur du phénomène des faux avis sur internet, les organismes de normalisation et les législateurs ont dû intervenir pour tenter d'apporter un cadre réglementaire et technique.
La norme AFNOR NF ISO 20488 : un effort de transparence
L’Afnor s’est penchée sur ce dossier dès 2012 et a rédigé une norme, révisée en 2018 sous la référence NF ISO 20488. Cette norme, bien que non contraignante légalement mais reconnue par l'industrie, est censée s'appliquer à tous les sites qui hébergent des commentaires. Elle vise à imposer plus de transparence et de rigueur dans la collecte, la modération et la publication des avis en ligne.
Cette norme définit des exigences claires pour les gestionnaires d'avis, notamment :
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L'affichage de la date et de l'heure de l'avis.
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La publication de tous les avis (positifs et négatifs), sauf s'ils enfreignent la loi ou les conditions générales d'utilisation.
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L'obligation de mettre en place des moyens d'identification du consommateur.
La norme précise notamment que :
« le gestionnaire d’avis doit mettre en œuvre une combinaison des méthodes d’identification [des consommateurs] les plus pertinentes et fiables existantes à date en lien avec la finalité recherchée ».
L’objectif est de pousser les plateformes à prouver que l'auteur de l'avis a bien eu une expérience de consommation.
La législation européenne et la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses
Au niveau européen, la directive omnibus (mise en application en France par le droit national) renforce la protection du consommateur contre les pratiques commerciales trompeuses. Elle oblige les plateformes à indiquer clairement si des mesures ont été prises pour vérifier que les avis proviennent bien de consommateurs ayant réellement utilisé ou acheté le produit ou le service. Si de telles vérifications sont effectuées, les plateformes doivent en expliquer les modalités. Si elles ne vérifient pas, elles doivent l'indiquer de manière visible. Cette nouvelle contrainte législative met une pression accrue sur les plateformes pour qu'elles s'engagent activement dans la chasse aux faux avis.
La gestion de l'identité numérique : le rempart anti-faux avis
Face aux limites des simples vérifications par e-mail ou SMS, les gestionnaires d'avis doivent désormais s'orienter vers des solutions d'identification plus sophistiquées pour garantir l'authenticité.
Les limites des méthodes d'identification actuelles
Parmi les moyens d’identification les plus basiques, on trouve : la vérification de l’adresse mail, la vérification par SMS/appel téléphonique ou la vérification par géolocalisation. Cependant, ces méthodes, bien que faciles à mettre en place, ne résistent guère aux personnes déterminées à fabriquer des faux avis. L'achat de cartes SIM jetables ou l'utilisation d'adresses e-mail temporaires rendent ces verrous obsolètes. Tant que l'identité du commentateur n'est pas liée de manière unique et irréfutable à une preuve de consommation réelle, le risque de fraude demeure élevé.
La nécessité d’une identité numérique certifiée
La solution réside dans la mise en place d'une véritable gestion des identités numériques au sein des plateformes. L'objectif n'est pas de révéler publiquement l'identité du commentateur, mais d'assurer en interne :
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L'unicité : Le contributeur est bien une personne physique singulière (pas un robot).
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L'authenticité : L'identité du contributeur est liée à une preuve de consommation (une facture, un bon de commande, une carte d'embarquement, etc.).
Ce système permettrait de créer une population de contributeurs certifiés, dont les avis seraient par définition authentiques et intègres. Il serait également possible d'opérer une hiérarchisation des commentateurs : un avis laissé par un "contributeur certifié" aurait intrinsèquement plus de poids et de confiance qu'un avis anonyme.
La révolution de la signature électronique pour l'authentification des avis
Des solutions techniques avancées, inspirées d'autres domaines numériques, peuvent être facilement adaptées pour garantir la fiabilité des avis en ligne et mettre fin à la prolifération des faux avis sur internet.
L'identité numérique : l'exemple de Goodflag
Le recours à des mécanismes d'identité numérique et de vérification avancée, souvent inspirés des solutions de signature électronique sécurisée, est une voie prometteuse. Ces technologies offrent un niveau de preuve supérieur à une simple vérification d'adresse e-mail.
À l’instar de ce qui est proposé par des entreprises comme Goodflag dans des domaines où l'intégrité est capitale (comme l’intérim pour la signature des contrats de travail, ou les achats pour la contractualisation des marchés), l’attribution d’une identité numérique à la volée au consommateur sérieux et expérimenté peut être mise en œuvre.
Le processus pourrait se dérouler comme suit :
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Preuve d'achat : Le client fournit un numéro de facture ou de réservation.
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Vérification sécurisée : La plateforme d'avis vérifie cette donnée auprès du système de l'entreprise évaluée (via une API sécurisée).
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Attribution d'ID certifié : Une identité numérique unique et temporaire est attribuée au client pour rédiger son avis.
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Avis publié avec label : L'avis est publié avec un label visible "Avis Certifié et Vérifié" pour rassurer les autres consommateurs.
L'adoption de telles méthodes, qui augmentent considérablement le niveau de confiance des contributions, est un bénéfice direct pour les consommateurs et les professionnels honnêtes.
La blockchain et les technologies de l'immuabilité
Au-delà de l'identité numérique, l'utilisation de technologies comme la blockchain ou d'autres registres distribués offre une piste pour garantir l'immuabilité des avis. Une fois qu'un avis vérifié est enregistré sur une blockchain, il ne peut plus être modifié ni supprimé, ce qui renforce la transparence et rend la fraude à la modération impossible. Le couplage d'une identité numérique forte et d'un enregistrement immuable représente la défense la plus solide contre les faux avis sur internet.
Vers un nouveau paradigme du web social et la fin des faux avis
Le Web social ne pourra pas faire l’économie de la mise en place de nouvelles règles et de technologies robustes pour juguler la fraude. La survie même des plateformes dépend de leur capacité à garantir l'authenticité de leur contenu.
Un enjeu de crédibilité et de réputation
Il en va de la crédibilité des plateformes leaders sur le marché. Si le consommateur perd définitivement confiance dans les notes et les commentaires, il cessera d'utiliser ces outils, menaçant le modèle économique qui les soutient. Il en va aussi, et surtout, de la réputation des marques, des organisations et des personnes qui sont l’objet des commentaires des internautes. Les entreprises ne peuvent plus tolérer que leur e-réputation soit à la merci de concurrents malhonnêtes ou d'un système facilement manipulable.
L'ère de la confiance numérique
L'ère de la contribution anonyme et non vérifiée touche à sa fin. Nous assistons à la naissance d'un nouveau paradigme : celui de la Confiance Numérique. Dans ce nouveau modèle, l'authenticité des avis n'est plus une option, mais une règle fondamentale. C'est un changement total et nécessaire pour que le Web social continue de servir son objectif initial : informer et connecter les individus de manière fiable. Les plateformes qui embrasseront le plus rapidement et le plus efficacement cette exigence de certification des avis seront les leaders de demain.